vendredi 25 juillet 2008

L’art raffiné d’Hokusai


Il faut avoir la chance de visiter cette exposition sans trop de monde ! Beaucoup de gravures sont présentées dans des vitrines à l'horizontale ce qui oblige, en cas d'affluence, à s'adapter au rythme de la file des visiteurs…De quoi gâcher son plaisir !

Mais quelle délectation que d'admirer ces planches du grand maître graveur japonais !! Quelle modernité ! Les compositions sont extraordinaires. Même si Hokusai a pu parfois appliquer les principes de la perspective Occidentale, il compose la plupart du temps l'espace en empilant les plans, ne cherchant pas à s'abstraire d'une vision en deux dimensions. L'imbrication des formes et motifs est parfois telle que l'œil du spectateur doit faire un effort de reconstitution du sujet, comme dans Trois guerriers chinois.

L'abstraction n'est pas loin… La distance est grande entre le monde réel et sa représentation. Ceci est le résultat d'une intense et profonde attention portée à la Nature : « Il y a des oiseaux qui ne volent pas très haut, des arbres à fleurs qui ne produisent pas de fruits, et toutes ces conditions de vie autour de nous méritent d'être étudiées à fond », disait Hokusai.

Fort de l'immense respect qu'il voue à la Nature, l'artiste interprète en simplifiant, comme s'il ne voulait retenir ou retranscrire que l'essence d'une forme ou d'une atmosphère. Plastiquement, cela se traduit par une stylisation des motifs. « Je voudrais seulement apprendre (…), d'une façon générale, le maniement du rond, du carré et des lignes droites ou courbes ». Ceci n'est pas sans rappeler l'affirmation que fera Cézanne selon laquelle il faut : «Traiter la Nature par le cylindre, la sphère, le cône ».

Les différents éléments de la Nature deviennent signes ou évocation. Le mont Fuji n'est plus représenté que par une ligne, l'eau du torrent est traitée comme pourrait l'être des racines, l'éclair comme une faille, l'écume comme de la dentelle. Le motif ainsi stylisé est utilisé dans les différentes compositions. Il est en quelque sorte standardisé ! 

Il est d'ailleurs intéressant de découvrir les recueils de motifs, véritables catalogues dans lesquels les formes étaient compilées.

C'est un art de la ligne et du trait avant tout, proche de l'illustration. Cependant les couleurs délicates et raffinées caractérisent aussi l'art d'Hokusai. Il fait notamment une utilisation originale du bleu de Prusse dans la fameuse série des Trente-six vues du mont Fuji.

Mais, aux motifs décoratifs s'ajoutent des compositions extrêmement audacieuses et maîtrisées ainsi qu'une vision méditative du monde. Ces gravures ne sont donc en aucun cas de simples images décoratives. La vision synthétique des formes de la Nature proposée par Hokusai a une véritable puissance suggestive et poétique. L'instant fugitif y est magnifiquement traduit.

Après avoir apprécié les nombreuses gravures, il est très émouvant de découvrir les encres présentées dans les dernières salles. La main de l'artiste donne sa sensibilité au dessin et le trait y est elliptique comme dans Étude de femme vue de dos. J'ai aussi particulièrement admiré le paravent à huit volets montrant Neuf femmes jouant au jeu du renard sur fond doré : simplicité, motifs décoratifs, élégance, harmonie et raffinement sont les mots qui me viennent pour le décrire. Quelle habileté ! Et pourtant le vieux maître disait à la fin de sa vie : « Si le ciel me donnait seulement encore cinq ans de vie (…) je pourrais devenir un vrai grand peintre ».