lundi 31 mars 2008

Saul Leiter : la réalité sublimée

« Je suis sensible à une certaine ambiguïté dans la photo, ne pas être certain de ce que l'on voit…». 

Saul Leiter nous livre là l'une des clefs de son regard de photographe. Ses images déroutent l'œil, faussent la compréhension, grâce à des jeux de reflets, d'ombre, d'opacité ou de transparence. La vision biaisée, indirecte et surprenante qui en résulte donne à ces scènes communes de la vie quotidienne dans le New York des années 50, une dimension mystérieuse. Il n'y a pas de trucages, juste un regard décalé sur le monde. Saul Leiter nous donne à voir la complexité visuelle de la réalité.

Les cadrages qu'il choisit sont osés. Il manie la composition avec virtuosité. Dans ses photographies couleur - plus encore que dans les noir & blanc - on remarque l'importance du noir : très profond, créateur de contrastes forts, il structure l'image jusqu'à parfois occuper, en larges plages monochromes, la plus grande partie de la composition. Ainsi en est-il dans Canopy où une scène de ville enneigée n'occupe qu'1/5e de l'image en partie inférieure tandis qu'au-dessus, ce qui semble être le auvent d'un boutique bouche la vue en un pan totalement noir. Mais le contraste est si fort que l'équilibre visuel est préservé.

Reflection illustre à merveille la vision décomposée ou recomposée de la réalité que le photographe capte dans les reflets et transparences ou encore sa capacité à offrir une image à la composition osée mais équilibrée. Superbe !

Le très beau catalogue d'exposition édité par Steidl parle de la peinture de Bonnard et Vuillard comme références constantes du photographe… J'ai en effet été marquée par le caractère pictural de ce travail, particulièrement pour ce qui concerne les photographies couleur. Outre la composition, l'harmonie des couleurs et le grain parfois très visible donnent à l'image une texture et un aspect proches de ceux de la peinture. D'ailleurs, Saul Leiter est aussi peintre : « La peinture ! J'ai commencé à peindre avant de photographier ». Quelques-unes de ses gouaches, non dénuées de charme, sont présentées dans l'exposition.

C'est un beau moment que l'on passe dans les espaces exigus de la Fondation HCB à découvrir le travail personnel et authentique d'un artiste discret – trop discret ! – qui porte un regard poétique et décalé sur la vie dans les rues de son bloc New-yorkais.

 

mardi 25 mars 2008

Roger Plin à la galerie Peinture Fraîche



C'est un bel artiste qui est présenté dans cette sympathique galerie de la rue de Bourgogne. Sculpteur, héritier de la fin du XIXe siècle, il crée une œuvre classique mais libre. Le corps de la femme, coulé dans le bronze, présente des formes généreuses et ondulantes tandis que d'autres sujets sont traités avec plus de rudesse. 

Outre les sculptures, on peut admirer de nombreux dessins dont de très belles vues de ports ou des portraits de musiciens. Le trait est rapide, sec et presque nerveux. Le crayon, qui semble n'avoir pas été levé, a parcouru librement la feuille dans une continuité qui donne parfois une illusion de mouvement. Cependant, les nus féminins sont souvent traités d'une toute autre manière : le dessin est plus classique et maîtrisé, le trait estompé gagne en douceur. Le passage des ombres aux lumières est velouté, les formes sont puissantes. Le corps féminin ainsi représenté n'est pas sans rappeler les femmes plantureuses d'un Maillol ou d'un Malfray.

C'est en effet à cette école - par ailleurs représentée par la galerie Malaquais - qu'appartient Roger Plin : admirateur des bustes de Marcel Gimond ou des dessins de Maillol, il est profondément attaché à la représentation figurative dans un XXe siècle où les courants dominants de l'art cherchent à s'en affranchir. Sans se borner à l'appliquer dans son travail, il se charge aussi de la diffusion de cet héritage classique en enseignant. Dans un petit fascicule de textes aimablement donné par la galerie, on peut se familiariser avec les réflexions théoriques de l'artiste…

'Par sa spontanéité, le dessin permet l'expression la plus sincère : par la simplicité austère de ses moyens, il échappe aux artifices des effets de matière, tout en permettant les nuances les plus rares. Parce qu'il ignore les facilités et les concessions, il donne à l'œuvre la puissance de la rigueur.'

lundi 17 mars 2008

Pauvre Man Ray !

Quelle triste exposition nous est proposée par la Pinacothèque de Paris !… Des textes explicatifs peu éclairants, un ensemble d’œuvres décevant dans un espace désagréable : la climatisation plus bruyante qu’efficace ne parvient pas à aérer des salles closes, au plafond bas, où règne une chaleur moite ! L’exposition est censée montrer les différentes facettes de l’œuvre de l’artiste (peinture, dessins, objets, rayogrammes…) mais elles ne sont abordées que superficiellement et il s’agit pour la plupart de pièces mineures. Seuls les polaroïds présentés dans la dernière salle m’ont permis d’enrichir mon regard sur cet artiste. Bref, l’institution me semble un peu prétentieuse quand elle annonce « une rétrospective inédite des œuvres de Man Ray »!!