
Au 4e étage du Centre Pompidou, l'exposition de Miroslav Tichy dénote. Ses photographies petit format à l'aspect sale et abîmé sont collées sur des morceaux de cartons pauvres ou tout autre matériaux récupérés, parfois décorés sommairement par l'artiste, au stylo ou aux crayons de couleurs. Seul l'encadrement uniforme avec baguettes de bois classiques permet de remettre en conformité avec les cimaises blanches du grand musée cet ensemble d'images issues du capharnaüm quotidien de l'artiste.
Ces images sont pour ainsi dire 'miraculées'. Miroslav Tichy vit avec elles. Il n'a pas pour habitude, comme tout artiste consciencieux et conscient de la valeur de ce qu'il produit, de ranger proprement et raisonnablement son travail. Miroslav Tichy les intègre à son quotidien sans égards pour leur fragilité, en les laissant éparpillées ça et là dans son intérieur. Elles prennent part à sa vie de solitaire sans pour autant être des objets de contemplation. Elles ont donc été soumises à rude épreuve et portent l'empreinte du temps qui passe. La vie les a abîmées. Ce sont des images rescapées !


L'empreinte de la lumière est palpable. Elle semble avoir effleuré le papier pour laisser place à de subtils camaïeux de gris faisant apparaître comme par magie des femmes de dos, des femmes allongées en maillots de bain, des portraits de femmes…Les photographies sont prises sur le vif, à l'insu des sujets : ce sont des images volées… Le résultat est parfois flou ou peu lisible : une section de l'exposition est d'ailleurs intitulée 'Apparitions/Disparitions'. On pense à Boltansky… Quelques fois, pour « améliorer » l'image, dit-il, Miroslav Tichy n'hésite pas à la rendre plus lisible en soulignant au stylo ou au crayon la forme des fesses, du visage, des cheveux… J'avoue trouver dommage cette intervention qui abîme la poésie.

L'aspect flou, tâché, crayonné, abîmé ; les compositions avec superposition, les halos de lumière blanche, les cadrages serrés ; la texture granuleuse et poussiéreuse, tout contribue à donner à ces photographies un caractère pictural. Il regarde les femmes et le monde avec le regard du peintre qu'il a été, à ses débuts. La frontière devient ténue entre la représentation photographique et la représentation picturale. Certaines œuvres rappellent d'ailleurs le travail de Gerhard Richter qui, à l'inverse, a fait de la peinture comme de la photographie.
« Photographier signifie peindre avec la lumière », disait Miroslav Tichy.
